Q: Namaskaram Sadhguru, j’aimerais être honnête et franc. Mais je trouve que les gens qui sont rusés réussissent plus vite dans le monde matériel. Que faire ?

Sadhguru: Nous ne savons pas quelle est la nature de votre travail, dans quel type de transactions vous êtes impliqué·e. Dans certaines transactions, la ruse est de règle. Imaginons que vous soyez impliqué·e dans des négociations entre deux nations. La franchise ne marchera pas. La ruse est de règle, n’est-ce pas ? Il s’agit toujours d’être plus malin que l’autre. Est-ce une bonne chose ou une mauvaise chose ? Ce n’est pas à moi d’en décider ni à vous. C’est la réalité de notre époque.

Gagner sa vie ou réussir sa vie ?

Vais-je réussir avec la ruse ? Essayez et vous verrez bien. Vous pouvez vous faire coincer. Si vous dépassez certaines lignes, vous pouvez vous faire emprisonner. Si vous ne vous faites pas emprisonner, vous pouvez être rejeté·e par les autres. Avant d’essayer ailleurs, faites un essai avec votre famille. Mieux vaut faire vos expériences dans une atmosphère qui présente moins de risques ! Chaque jour, trompez vos proches sur un sujet ou un autre. Pendant un temps, ils seront dupes et vous obtiendrez certaines choses. Au bout d’un moment, quand ils auront compris ce que vous faites (car ils comprendront), vous verrez que petit à petit vous n’appartiendrez plus à la famille. Ils pourront vous tolérer quelque temps, mais vous ne serez jamais inclus·e. Si ça dépasse certaines limites, ils sauront quoi faire de vous.

Quand il s’agit de donner et de prendre, si vous faites preuve de beaucoup d’ingéniosité, vous pouvez prendre plus.

Créer une atmosphère de confiance, créer en chacun cette certitude : « Vous pouvez me faire confiance. Vous ne pouvez peut-être pas avoir confiance en mon jugement, mais vous pouvez avoir confiance en mon intégrité ». Si vous créez ça, vous verrez que votre vie deviendra harmonieuse dans la société dans laquelle vous vivez. Peut-être gagnerez-vous un peu moins d’argent que quelqu’un d’autre, mais votre vie deviendra harmonieuse. Dans le cas contraire, vous serez aux prises de tellement de choses.

Quand il s’agit de donner et de prendre, si vous faites preuve de beaucoup d’ingéniosité, vous pouvez prendre plus. Certaines personnes, avec une bonne dose d’ingéniosité en plus, peuvent se débrouiller pour avoir une meilleure vie que d’autres. Vous pouvez gagner votre vie. Cela ne vous permettra jamais de réussir votre vie. Les gens qui ont eu du bon temps, vous savez ce qui leur est arrivé ! N’y succombez pas.

Connaître l’aisance de la vie

Quand vous mentez, quand vous trichez, vous pouvez gagner un peu d’argent (je ne le nie pas), mais compte tenu de la quantité d’efforts nécessaires dans votre mental, ça n’en vaut pas la peine. Supposez que vous racontiez une version de quelque chose à une personne, une autre version à quelqu’un d’autre et une troisième version à une troisième personne, savez-vous tout le travail en plus que ça vous demandera dans votre mental ? Si vous voulez connaître l’aisance de la vie, il est important que vous mainteniez une atmosphère de confiance autour de vous. Sinon, la vie devient très compliquée et bien des gens finissent par devenir fous.

Dans une histoire d’amour, vous donnez tout ce que vous pouvez. Vous vous en fichez de savoir si vous obtenez quelque chose en retour ou pas.

Ces derniers temps en Inde, beaucoup de gens qui menaient des modes de vie flamboyants sont soit en prison soit ils se cachent ici ou là. À une époque, les gens croyaient qu’ils passaient du bon temps, plus maintenant. Les choses vous rattraperont. Même si l’extérieur ne vous rattrape pas, même si vous réussissez à gérer l’extérieur, l’intérieur vous rattrapera.

Cette activité supplémentaire inutile dans votre mental même vous rattrapera. Votre vie entière deviendra une transaction. Ça signifie que vous êtes un marché. Un marché n’est pas un bel endroit. Il y a peut-être du profit, mais ce n’est pas un bel endroit parce que tout tourne autour de comment donner moins et prendre plus. Ce n’est pas une histoire d’amour. Dans une histoire d’amour, vous donnez tout ce que vous pouvez. Vous vous en fichez de savoir si vous obtenez quelque chose en retour ou pas. Et il y a de la beauté en ça. Il y a de la vie.

Il n’y a rien à retirer de la vie

Avant tout, quelle est la profondeur de votre expérience de la vie ? Toutes les choses que vous avez accumulées n’auraient d’importance que si vous pouviez les emporter avec vous quand vous mourrez. Je faisais un discours à Londres auquel assistait un groupe de personnes très importantes. Après avoir parlé pendant une heure et demie, un homme a demandé : « Tout ça, c’est bien beau, mais qu’y a-t-il à en retirer ? » Je l’ai regardé et j’ai répondu : « À la fin de votre vie, ce que vous en aurez retiré, c’est ce que vous retirerez ici aussi. »

Il n’y a rien à retirer de la vie. Avez-vous été touché·e par cette vie ou pas ? Avez-vous connu les larmes d’une immense tendresse ? Avez-vous connu l’amour ?

Dans certaines communautés indiennes, lors des enterrements, pour une personne d’environ 50 kilos, la règle veut que l’on mette 100 kilos de sel sous le corps et au-dessus du corps, afin que chaque os se dissolve et s’intègre à la terre le plus rapidement possible. Mais dans les sociétés occidentales, les gens s’enferment dans des boîtes pour que les asticots puissent les manger de l’intérieur ! Ils ne veulent pas fusionner. Le bois doit d’abord se désintégrer. Ça prendra longtemps. De nos jours, le bois est traité chimiquement, donc la plupart des gens ne fusionneront jamais avec la terre. Si vous vous faites faire un cercueil en or en particulier, vous ne fusionnerez jamais. Et bien sûr, au bout d’un moment, quelqu’un le volera et vous jettera n’importe où !

N’essayez pas de ruser avec la vie. Vous avez gagné dix roupies de plus que quelqu’un, mais vous êtes passé·e à côté de la vie : je ne pense pas que ce soit malin. Vous avez porté plus de chaînes en or qu’un autre, mais vous êtes passé·e à côté de la vie : il n’y a rien de malin là-dedans. C’est la chose la plus stupide que vous puissiez faire.

Il n’y a rien à retirer de la vie. Avez-vous été touché·e par cette vie ou pas ? Avez-vous connu les larmes d’une immense tendresse ? Avez-vous connu l’amour ? Avez-vous connu la joie ? Avez-vous connu l’extase ? Par-dessus tout, avez-vous connu l’élément le plus profond de vous-même qui rend tout ceci possible ?